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Lutte contre le narcotrafic : mesures en lien avec le logement

N° 2025-11 / À jour au 17 juin 2025
Loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic (loi n°2025-532 du 13.6.25 : JO du 14.6.25) 

La proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic a été déposée au Sénat le 12 juillet 2024. Elle fait suite au rapport de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France, publié le 14 mai 2024.

Elle a été adoptée par le Sénat le 4 février 2025, puis par l’Assemblée nationale le 1er avril 2025. Réunie le 1er avril 2025, la Commission mixte paritaire (CMP) est parvenue à un accord. Le texte a été définitivement adopté par le Sénat le 28 avril et par l’Assemblée nationale le 29 avril. 
La proposition de loi a été validée pour l’essentiel par le Conseil constitutionnel, saisi les 12 et 13 mai 2025. Sa décision, publiée le 13 juin 2025, dénombre cependant six articles (sans lien avec le logement) jugés pour tout ou partie inconstitutionnels (CC : 12.6.25, n° 2025-885 DC).

La loi du 13 juin 2025 a été publiée au Journal officiel le 14 juin 2025. Elle a notamment pour objectif de : 

  • organiser la lutte contre le narcotrafic ; 
  • lutter contre le blanchiment d’argent et la corruption ; 
  • renforcer le renseignement administratif ainsi que la répression pénale du narcotrafic.

Elle comporte plusieurs articles en lien avec le logement et prévoit : 

  • un renforcement des obligations du locataire en matière de jouissance paisible, dans le logement et aux abords de ce dernier ;
  • la possibilité pour le préfet qui constate les agissements d'un locataire en lien avec le trafic de stupéfiant d'enjoindre son bailleur de procéder à la résiliation de son bail ; 
  • l’extension des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux aux marchands de biens et promoteurs immobiliers.

Ces mesures entrent en vigueur le 15 juin 2025 (lendemain de la publication de la loi au Journal officiel), sous réserve de la parution des textes réglementaires nécessaires à leur application (cf. § Lutte contre le blanchiment d’argent : professionnels de l’immobilier concernés).

Aménagement de l’obligation de jouissance paisible du locataire

(loi : art. 62, II / loi du 6.7.89 : art. 7, b)

Le locataire est tenu d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location. 
Le juge apprécie, au cas par cas, les manquements du locataire qui peuvent justifier la résiliation du bail. Toutefois, cette obligation ne concernait jusqu’à présent que les locaux loués. La résiliation du bail n’était donc admise que lorsque les faits reprochés au locataire avaient lieu dans le logement, dans l’immeuble (Cass. Civ III : 8.11.95, n°93-10853) ou les parties communes de la résidence (par exemple : CA Paris : 20.9.18, n°16-13578 ; CA Pau : 1.12.20, n° 19-02028).

Afin de permettre à un bailleur de soulever les éventuels manquements du locataires lorsque ces derniers ont lieu en dehors du logement ou des parties communes de son immeuble (cf. amendements com-88 et CL592), les obligations du locataire en matière de jouissance paisible sont étendues. Désormais, le locataire doit également “s'abstenir de tout comportement ou de toute activité qui, aux abords de ces locaux ou dans le même ensemble immobilier, porte atteinte aux équipements collectifs utilisés par les résidents, à la sécurité des personnes ou à leur liberté d'aller et venir”.

En l’absence d’une définition par la loi des notions “d’abords du logement” ou encore de la nature des activités pouvant être visées, elles feront l’objet d’une appréciation au cas par cas par le juge en cas de litige. Le Conseil constitutionnel, qui a confirmé la constitutionnalité de cette mesure dans sa décision du 12 mai 2025, a toutefois émis une réserve au sujet de cette appréciation. Il précise en effet que "sauf à méconnaître les exigences constitutionnelles de droit au respect de la vie privée, cette obligation [de jouissance paisible…] ne saurait concerner qu’un comportement ou une activité du locataire qui a lieu à proximité suffisante du logement donné à bail et qui cause un trouble de jouissance au préjudice d’autrui".

Prérogatives du préfet en cas de trouble à l’ordre public par le locataire

De nouvelles prérogatives sont octroyées au préfet. Ainsi, lorsqu’il constate que les agissements en lien avec des activités de trafic de stupéfiants de l’occupant habituel d’un logement troublent l’ordre public de manière grave ou répétée et méconnaissent son obligation de jouissance paisible (cf. § Aménagement de l’obligation de jouissance paisible du locataire), le préfet peut enjoindre au bailleur de saisir le juge aux fins de résiliation du bail.

Le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de cette mesure. Pour ce dernier, "en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public. Ainsi, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de permettre à l’autorité administrative de modifier elle-même un élément de la relation contractuelle ou de modifier les règles de fond applicables à la résiliation judiciaire du bail d’habitation. Les dispositions contestées ne portent pas à la liberté contractuelle une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi".

Bailleurs HLM

(loi : art. 62, III / CCH : L.442-4-3 [nouveau])

Lorsqu’il s’agit d’un logement HLM, qu’il soit conventionné ou non, l’injonction du préfet devra préciser les éléments de fait qui justifient la mise en œuvre de la procédure.
Le bailleur devra faire connaître au préfet la suite qu’il entend réserver à l’injonction dans un délai de 15 jours.

En cas d’acceptation du bailleur social, ce dernier peut solliciter la résiliation du bail devant le juge, sans formuler d’offre de relogement préalable (CCH : L.442-4-2).

En cas de refus du bailleur, d’absence de réponse à l’expiration de ce délai ou lorsque le bailleur, ayant accepté le principe de l’expulsion, n’a pas saisi le juge à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de sa réponse, le préfet pourra se substituer au bailleur et saisir le juge aux fins de résiliation du bail dans les mêmes conditions.

Autres bailleurs

(loi : art. 63 / loi du 6.7.89 : art. 9-2 [nouveau])

En l’absence de réponse du bailleur à l’injonction du préfet dans un délai d’un mois ou de refus du bailleur, la loi reconnait au préfet un intérêt pour agir devant le juge civil pour demander la résiliation du bail. 

Lutte contre le blanchiment d’argent : professionnels de l’immobilier concernés

(loi : art. 4, V, 2°, 7° et 8° / Code monétaire et financier : L.561-2, 8° bis, L.561-34 et L.561-36, 14°)

Certains professionnels de l’immobilier sont soumis à des obligations de vérification et de déclaration dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, afin de détecter les personnes et les opérations à risque et de les signaler dans le cadre du dispositif Tracfin.

Actuellement, sont notamment concernés, les professionnels soumis à la loi Hoguet du 2 janvier 1970 exerçant une activité liée à : 

  • l’achat, la vente, l'échange, sous conditions, la location ou sous-location (saisonnière ou non, en nu ou en meublé) d'immeubles bâtis ou non bâtis ;
  • la souscription, l'achat, la vente d'actions ou de parts de sociétés immobilières ou de sociétés d'habitat participatif donnant vocation à une attribution de locaux en jouissance ou en propriété ;
  • l'achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ;
  • la conclusion de tout contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé (C. conso : L.121-60 et suivants).

Afin de prendre en compte notamment les remarques formulées dans le cadre du rapport d’évaluation du dispositif réalisé par le Groupe d’action financière (GAFI), la loi étend ces obligations aux marchands de biens et aux promoteurs immobiliers, dans des conditions qui seront définies par décret (à paraître) (cf. amendement n°185).

Par ailleurs, l’ensemble des professionnels concernés par cette obligation sera tenu de suivre une formation sur leurs obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Un décret (à paraître) devra définir les conditions dans lesquelles cette formation obligatoire sera mise en œuvre.

L’évaluation du respect de cette obligation de formation sera assurée, pour les professionnels de l’immobilier, les marchands de biens et les promoteurs, par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) (Code monétaire et financier : L.561-36-2 et R.561-40). 
 

Mesures de procédure pénale en lien avec le logement

(loi : art. 41, 51 et 62 / CPP : art. 64-1 [nouveau] et 706-95-20 / CSI : L.22-11-1 [nouveau])

Deux mesures de la loi ont vocation à protéger les lieux d’habitation.

La loi précise d’abord qu’un lieu d’habitation requiert une autorisation du Juge des libertés et de la détention (JLD), en plus de celle du juge d’instruction, lorsqu’il est envisagé l’installation de dispositifs permettant la captation des communications électroniques, tels que l’installation d’un logiciel espion au sein d’un système informatique par exemple (loi : art. 41 / CPP : 706-95-20).

Ensuite, elle prévoit l’impossibilité pour les agents des douanes habilités de procéder à des opérations de visites et de saisie dans des locaux d’habitation, à peine de nullité, en cas de délits flagrant relatifs à des infractions en liens avec des produits stupéfiants commises en bande organisée (loi : art. 51 / CPP : 64-1 [nouveau]).

Par ailleurs, une mesure d’interdiction de paraître peut être prononcée, sous conditions, à l’encontre de toute personne occupant, en lien avec des activités de trafic de stupéfiants, en réunion et de manière récurrente la voie publique, un équipement collectif ou les parties communes d’un immeuble à usage d’habitation, afin de faire cesser les troubles à l’ordre public en résultant (loi : art. 62 / CSI : L.22-11-1 [nouveau]).  

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